Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
blog de Lisha
blog de Lisha
Publicité
Archives
7 novembre 2006

Chine, Chine, Chine

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et que j'aime, et qui m'aime,
Et qui n'est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m'aime et me comprend.
(…)
Est-elle brune, blonde ou rousse? - Je l'ignore.
Son nom? Je me souviens qu'il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.
Paul Verlaine, Les poèmes Saturniens, Mon rêve familier

                                                

                                                               enfant_chinois___la_bonbonne_de_gaz__elissha

                                                                                                                                                                                                                                                               

       Lorsque j’atterris à Pékin dans la chaleur étouffante de l’été 1998, quatorze ans après avoir quitté la Chine une première fois, je n’ai pas la moindre idée de ce qui va être mon existence au cours des quatre années à venir. Tout le monde m’a prévenu. « Rien n’est plus comme avant », « tu risques d’être vraiment dépaysée » m’ont répété tous mes amis et collègues journalistes, mais également une foule de vagues connaissances, curieux de savoir comment je m’adapterai dans cette nouvelle Chine.

      Une grande agitation règne à l’aéroport de Pékin, inauguré au début des années 80 mais qui désormais apparaît trop étriqué pour recevoir tous ces groupes de touristes qui s’ébrouent après d’interminables voyages en avion.. Je suis tout à la fois curieuse et inquiète de revoir ce pays qui fait depuis longtemps partie intégrante de ma vie.

      Le premier choc est brutal, un ciel plombé et jaunâtre m’assaille alors que j’émerge de l’aéroport. Mon moral est au plus bas, alors que les kilomètres défilent, sur fond de buildings sans âme ou de gratte-ciels surgissant d’un peu partout, le long d’une autoroute qui conduit directement sur Sanhuan, littéralement le « troisième périphérique ». Je ne reconnais plus rien, malgré les explications enjouées du chauffeur de mon entreprise qui, tout au long de mon séjour, me gratifiera d’un « laoban » (patronne) que je trouve alors parfaitement incongru. Il me faudra des mois avant que je ne m’y habitue.

      Mais pour l’instant, je tente péniblement de me familiariser avec des paysages urbains  inconnus et incongrus qui ont remplacé un entre-lacis de maisons basses traditionnelles, entrecoupé de champs, qui accueillait encore le visiteur à la périphérie de la capitale chinoise au début des années 80.

 

       Le Pékin du début des années 2000 respire le changement à tout-va, un phénomène qui va s’intensifier au fil des mois jusqu’à en donner le tournis. Le bleu de chauffe unisexe a été remplacé par une foule bigarrée, dans laquelle les jeunes femmes rivalisent d’élégance, les bicyclettes remplacées par les voitures, tandis que les hôtels et restaurants fleurissent à chaque coin de rue, au milieu de bétonneuses et de travaux en tous genres qui semblent ne jamais devoir finir. Ces éternels chantiers qui vont rythmer mon séjour, parallèlement aux grandes opérations de relations publiques des autorités chinoises – célébration en grande pompe du 50ème anniversaire de la fondation du régime communiste,  remodelage complet de la capitale en prévision des Jeux Olympiques 2008 - ,  sont paradoxalement le premier indice de ce que je pressens instinctivement : l’existence d’une autre Chine, nettement moins clinquante, que le touriste occidental pressé, convoyé en bus d’un endroit touristique à l’autre, a très peu de chances de côtoyer. La partie immergée de cet iceberg est constituée par des millions de « mingong » ou « migrants »  , des jeunes paysans corvéables à merci qui vont de ville en ville pour gagner un peu d’argent et permettre à leurs familles restées dans les campagnes de subsister. Rien qu’à Pékin ils sont des centaines de milliers à édifier une ville entièrement nouvelle, dans des conditions de travail et de sécurité dignes des débuts de la révolution industrielle en Angleterre. Pantalons et vestes élimés, le visage blafard, ils ne sortent guère de leurs chantiers que le dimanche, avec leurs compagnons d’infortune, souvent originaires du même village,  pour s’ébaudir devant les grosses Mercedes des riches chinois ou les visages cocasses des étrangers.

      En ce tout début du 21ème siècle, la Chine est le pays de tous les contrastes et de tous les bouleversements. En décidant d’ouvrir sur l’étranger un pays-continent qui vivait, depuis la prise du pouvoir par Mao Tsetoung en 1949, complètement replié sur lui-même, Deng Xiaoping a ouvert les vannes d’un processus qui n’a pas fini de surprendre le reste monde, et en premier lieu les Chinois eux-mêmes. Fatalistes, ces derniers savent que la roue de la fortune ne peut que tourner, inexorablement, mais pragmatiques, ils s’efforcent de tirer le meilleur parti de la situation actuelle. Pour les plus puissants et les plus favorisés, il s’agit d’amasser le plus rapidement des fortunes colossales, tandis qu’une classe moyenne naissante soutient le régime en place, au moins aussi longtemps que celui-ci continuera à lui assurer une croissance rapide de son niveau de vie. Pour les plus pauvres, c’est à dire 70 à 80% des 1,3 milliard d’habitants que compte le pays, il s’agit, comme par le passé, de se débrouiller pour survivre aux mauvaises récoltes, aux catastrophes naturelles (inondations et sécheresse) ainsi qu’à la corruption et à l’avidité des responsables locaux.

      Loin de moi l'idée de faire un travail exhaustif sur la Chine des vingt dernières années mais

seulement fournir quelques pistes de réflexion à partir des différents sujets que j’ai été conduite à traiter dans ma profession, mais également des témoignages des innombrables Chinois ordinaires ou extraordinaires dont j’ai pu croiser la route au cours des neuf années passées au total dans ce pays.   

      Rien n’est plus difficile que d’écrire sur un sujet qu’on connaît bien, dont on mesure toute la complexité, alors qu’il serait si simple soit de généraliser hâtivement, soit de se contenter d’anecdotes. Il était de bon ton, dans les années 60 et 70, pour un intellectuel français de publier un livre sur la Chine dès lors qu’il y avait passé deux à trois semaines. Les choses ont heureusement changé depuis, avec la multiplication d’ouvrages sérieux , portant sur les aspects les plus variés de ce vaste pays.

      Mais paradoxalement, les étrangers qui peuvent se targuer d’un long vécu en Chine sont encore souvent assez peu enclins à  se lancer dans une improbable aventure littéraire. Que dire de plus ? Tout n’a-t-il pas déjà été dit dans les innombrables livres écrits ces dernières années par des sinologues, des universitaires ou des journalistes ?

      Mon sentiment est que le sujet est loin d'être épuisé, d'autant qu'il est souvent traité de manière caricaturale, avec une prédilection pour les clichés les plus réducteurs : après la pauvreté égalitaire de la Chine maoiste, voici venu le temps de la Chine riche et conquérante qui fait peur au reste du monde.

      

      Mon blog se propose de vous faire partager, au fil des jours et des semaines, quelques unes de mes expériences dans ce pays fascinant, mais également dans quelques autres.

                                                                                                                     logoref4

Publicité
Publicité
Commentaires
X
Super Lisha ! Des admirateurs d'un soir qui ont accueilli le sieur Gilbert dans leur home sweet home ! Nous espérons lire la suite très vite !
Publicité